Qu’est-ce qu’un trouble du comportement alimentaire ?

C’est une maladie qui :

  • impacte la consommation d’aliments (nous dirons que c’est la partie émergée de l’iceberg)
  • dont les conséquences sont très vastes : physiques, psychologiques, sociales (partie immergée de l’iceberg)

Le Trouble du Comportement Alimentaire (TCA) est reconnu par la communauté scientifique comme étant une « addiction comportementale », au même titre que l’alcoolisme ou qu’une addiction à une drogue.

Les circuits neuronaux impliqués dans ces pathologies sont quasiment identiques.

D’où la grande difficulté pour les patientes, à trouver la « motivation » d’aller mieux, comme elles peuvent l’entendre si souvent

Un TCA touche principalement les adolescents et jeunes adultes, avec un ratio de 9 filles pour 1 garçon.

Il existe deux formes principales de TCA :

  • l’anorexie restrictive;
  • la boulimie avec ou sans vomissements.

On observe des répercussions importantes sur les plans somatique, psychiatrique et social, qu’il ne faut pas négliger dans la prise en charge de la patiente.

En association avec un TCA, on note souvent que les patientes souffrent de troubles dépressifs et/ou anxieux. Des consommations de substances peuvent également être associées.

Un épisode dépressif est fréquemment antérieur au TCA, ce dernier permettant à la patiente de mettre de coté ses affects douloureux pour ne plus en souffrir.

Dans 2/3 des cas, le trouble anxieux est lui aussi retrouvé avant l’apparition du TCA.

Avant de détailler :

L’anorexie restrictive se caractérise par une perte de poids intentionnelle et maintenue par la patiente, ainsi qu’une peur intense de prendre du poids.

Tandis que dans la boulimie, la patiente absorbe une quantité importante de nourriture, dans un laps de temps limité et met en œuvre des comportements de compensation pour ne pas prendre de poids (vomissements, prise de laxatifs ou de diurétiques).

La pratique du sport, commune aux deux sous-types, est également utilisée comme moyen de contrôler son poids et est considéré comme une pratique addictive à part entière.

  1. L’anorexie restrictive

Classiquement, on retrouve comme symptômes principaux « la triade des A » :

  • Anorexie (lutte contre la sensation de faim)
  • Aménorrhée (jamais de menstruations ou arrêt des menstruations) qui peut s’installer avant la perte de poids dans 1/3 des cas et qui peut persister plusieurs mois après un retour à un poids normal. Attention, ce symptôme est aujourd’hui souvent masqué par la prise de contraceptifs oraux
  • Amaigrissement : souvent rapide et caractérisé par le fait qu’il n’existe pas de poids auquel la patiente puisse se sentir bien dans son corps ; l’image qu’elle a d’elle-même est très fluctuante et la conduit à de nombreuses vérifications (mesure du ventre, des cuisses, des bras, etc. en plus de la pesée)

Sur le plan émotionnel, des ressentis de honte et de culpabilité sont retrouvés chez toutes les patientes. L’estime de soi est souvent très basse et enferme davantage la patiente dans un cercle vicieux.

Sur le plan comportemental on peut retrouver :

  • des rituels de découpage, de tri, une grande lenteur à manger, l’emploi de condiments en excès, un refus de manger ce qui n’est pas préparé par ses soins. Ces rituels sont envahissants, et servent à contenir l’anxiété associée à la prise de tout repas
  • une connaissance parfaite des calories de tous les aliments et un comptage précis pour chaque chose ingérée
  • des pesées parfois pluriquotidiennes, qui ne font que renforcer l’anxiété
  • l’utilisation d’applications qui comptent les calories, les pas effectués au cours d’une journée, etc.

En thérapie, il est important de travailler sur la modification de ces comportements avec les patientes car ils ont tendance à s’accentuer à mesure que la perte de poids s’aggrave.

Sur le plan cognitif, plusieurs choses sont observées :

  • des obsessions mentales et des ruminations intrusives : autour des repas pris et à venir, du sentiment intense d’être grosse, d’écarts qui ne sont pas tolérés, etc.
  • des idées noires
  • un perfectionnisme très important
  • un hyperinvestissement scolaire, qui confine également à l’obsession

Sur le plan social, l’isolement est progressif jusqu’à devenir quasi absolu. Cela permet à la patiente de ne pas être dérangée dans ses conduites alimentaires et dans le contrôle de son poids. Notons également que montrer un corps très maigre à des amis peut être très violent (pour elle comme pour les autres), et qu’elles sont très sensibles au regard d’autrui.

2. La boulimie avec ou sans vomissements

La boulimie se définit comme la survenue d’épisodes répétitifs d’hyperphagie (de crises de boulimie). C’est une consommation excessive d’aliments, ingérés de façon compulsive, associée à un sentiment de perte de contrôle. Elles surviennent généralement dans un contexte de restriction alimentaire préalable, de solitude, d’ennui ou d’émotions négatives trop envahissantes, qu’elles ne peuvent contrôler.

La solitude est un élément très important dans le cadre de la boulimie, car les patientes s’isolent pour faire leurs crises et s’isolent d’autant plus après les crises, tant elles se sentent mal.

Le statut pondéral souvent normal chez ses patientes n’inquiètent pas immédiatement l’entourage, mais peut amplifier les préoccupations autour de l’apparence corporelle et du poids. L’estime de soi est elle aussi très affectée.

Pourquoi développe-t-on un TCA ?

Il existerait en fait la combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord des facteurs qui prédisposeraient à l’apparition du TCA, comme la personnalité, l’environnement familial et culturel. Ensuite, ces facteurs seraient déclenchés par la mise en œuvre d’un régime, de l’existence de difficultés sociales, de deuils ou bien de la puberté. Ces facteurs peuvent être eux-mêmes renforcés par la dénutrition (d’autant plus si elle s’aggrave) ainsi que la faible estime de soi.

Quelle prise en charge ?

La prise en charge du trouble du comportement alimentaire présente deux objectifs principaux : éviter une aggravation physique liée à la dénutrition et limiter les risques d’une chronicisation du trouble, sur le plan physique et psychique. Pour cela, on vise d’abord la restauration d’un poids normal.

Le cheminement thérapeutique normal est traversé par des moments de stagnations et de rechutes mais qui sont souvent vécues de manière très culpabilisée par les patientes. Il est important de travailler sur l’aspect positif des rechutes, car elles sont l’occasion pour la patiente de faire face et de redécouvrir de nouvelles sensations corporelles.

En effet, ce poids qui évolue contribue à une acceptation progressive du changement. Dans la mesure du possible, hors cas d’hospitalisation, il doit se faire au rythme de la patiente en travaillant sur les angoisses que cela engendre.

La psychothérapie amène la patiente à reprendre le contrôle de sa vie (qu’elle pensait avoir mais qui n’est qu’illusoire) et à reprendre un rôle actif dans sa vie.

Des rencontres peuvent être organisées avec les parents et apporter certains éclairages sur l’histoire du trouble. Ils disposent néanmoins de la possibilité d’assister et de participer à un groupe de paroles dédiés aux proches, afin de verbaliser leurs propres inquiétudes suscitées par les conduites de leur fille et des difficultés rencontrées au quotidien.